Décret tertiaire : comprendre, appliquer et anticiper l’avenir de la performance énergétique

Décret tertiaire bâtiments

Le secteur tertiaire est en première ligne de la transition énergétique. Chaque bâtiment, qu’il s’agisse de bureaux, d’un établissement public ou d’un local commercial, est désormais soumis à une obligation réglementaire : réduire sa consommation énergétique de manière progressive. C’est l’ambition du décret tertiaire, issu de l’article 175 de la loi ELAN, entré en vigueur depuis juillet 2019.

Ce dispositif impose aux propriétaires, locataires et collectivités d’engager des actions de réduction, de suivre leurs données via la plateforme OPERAT, et de prouver chaque année leurs efforts par une déclaration annuelle. À la clé ? Des objectifs chiffrés (-40 % en 2030, -50 % en 2040, -60 % en 2050), mais aussi la promesse d’un parc immobilier plus sobre, plus performant et mieux valorisé.

Au-delà du risque de sanctions administratives en cas de non-conformité, ce texte ouvre la voie à une stratégie énergétique innovante. Rénovation, travaux techniques, solutions numériques, GTB ou BAC : autant de leviers concrets pour préparer l’avenir et transformer une contrainte en avantage compétitif durable.

Comprendre le décret tertiaire

Définition et cadre réglementaire

 

Véritable levier de la transition énergétique, le décret tertiaire fixe un cadre clair et progressif pour accompagner la réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments.

Le dispositif Éco‑énergie tertiaire, officiellement décret n° 2019‑771 du 23 juillet 2019, définit les obligations de réduction de la consommation d’énergie finale pour les bâtiments à usage tertiaire, impose une trajectoire progressive de sobriété énergétique aux acteurs publics et privés.

Il s’inscrit dans la continuité de la loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique, 2018) qui fixe des objectifs ambitieux de réduction des consommations d’énergie dans le parc immobilier tertiaire français.

L’enjeu est double :

  • Environnemental, avec la contribution à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.
  • Économique, car la maîtrise des consommations énergétiques se traduit par des baisses de charges durables et une valorisation du patrimoine immobilier.

Qui est concerné ?

Sont assujettis au dispositif :

Tous les bâtiments tertiaires, ou parties de bâtiment, ou ensembles de bâtiments d’une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m²,

Les activités tertiaires publiques et privées : commerces, établissements d’enseignement, hôpitaux, hôtels, lieux de spectacle, bureaux administratifs, équipements ferroviaires, routiers, fluviaux ou maritimes, etc.

Les bâtiments existant depuis plus de 2 ans, qu’ils soient occupés par le propriétaire, un locataire ou exploités dans le cadre d’un bail commercial.

Sont donc concernés :

  • Les bureaux et locaux administratifs
  • Les établissements d’enseignement
  • Les commerces et centres commerciaux
  • Les bâtiments publics, collectivités
  • Les équipements de santé, de culture, de loisirs ou d’hôtellerie

Cas particuliers et exclusions
Certaines catégories échappent au dispositif :

  • Les lieux de culte
  • Les bâtiments provisoires (utilisés moins de 2 ans)
  • Les bâtiments destinés à la défense nationale ou à la sécurité intérieure

La logique est claire : les activités structurellement indispensables ou difficilement adaptables bénéficient d’une souplesse réglementaire.

Quels sont les objectifs chiffrés ?

Le décret tertiaire fixe des objectifs concrets et progressifs pour réduire la consommation d’énergie des bâtiments.

Les assujettis doivent atteindre  :

  • une réduction de 40% d’ici 2030
  • une réduction de 50% en 2040
  • une réduction de 60% en 2050

par rapport à une année de référence comprise entre 2010 et 2019.

Cette trajectoire chiffrée impose une planification à long terme et engage les acteurs du tertiaire dans une véritable stratégie de performance énergétique durable.

Ces objectifs peuvent être adaptés en fonction de :

  • La situation initiale du bâtiment (ex. patrimoine classé, contraintes techniques)
  • Les coûts disproportionnés des travaux
  • L’évolution des usages ou du volume d’activité

Autrement dit, la réglementation combine exigence et flexibilité : elle impose une trajectoire ambitieuse, tout en permettant des ajustements justifiés et documentés.

Les valeurs absolues et relatives dans le décret tertiaire

Le décret tertiaire laisse aux acteurs assujettis deux voies possibles pour atteindre leurs objectifs énergétiques : la valeur relative ou la valeur absolue.

  • La valeur relative correspond à la trajectoire de réduction en pourcentage par rapport à une année de référence (entre 2010 et 2019). C’est la règle des -40 % en 2030, -50 % en 2040 et -60 % en 2050. Elle s’adapte donc à la consommation historique du bâtiment et reflète les efforts réalisés au fil du temps.
  • La valeur absolue, quant à elle, fixe un seuil de performance énergétique exprimé en kWh/m²/an, déterminé selon l’usage du bâtiment (bureaux, enseignement, commerces, santé, etc.) et les conditions climatiques locales. Ces seuils sont publiés par arrêté ministériel et permettent de comparer un bâtiment à une référence nationale.

👉 L’assujetti doit atteindre l’un ou l’autre de ces deux critères. Si les économies en valeur relative sont difficiles à justifier (bâtiment déjà performant, contraintes techniques, évolution d’usage), il est possible de viser la valeur absolue comme alternative.

Cette double approche garantit une équité de traitement entre les bâtiments anciens et récents, tout en assurant une progression globale vers la sobriété énergétique.

Comment se mettre en conformité ?

La mise en œuvre du décret tertiaire nécessite une démarche structurée et progressive. Elle commence par la collecte et l’analyse des données énergétiques afin de préparer un dossier technique solide, justifiant l’année de référence et les particularités du bâtiment. Sur cette base, il s’agit de définir un plan d’actions de réduction hiérarchisées (travaux, optimisation des usages, pilotage intelligent) et de consigner ces engagements dans la plateforme OPERAT. Pour faciliter le processus, l’ADEME met à disposition un guide détaillant les étapes à suivre, tandis que de nombreux acteurs spécialisés proposent un accompagnement sur mesure, depuis l’audit énergétique jusqu’au suivi annuel des résultats.

Le rôle de la plateforme OPERAT (ADEME)

La plateforme OPERAT, mise en place par l’ADEME, est l’outil central du dispositif.

Chaque entité assujettie doit y :

  • Déclarer annuellement ses consommations d’énergie (tous vecteurs confondus : électricité, gaz, chaleur, etc.)
  • Définir son année de consommation de référence (entre 2010 et 2019)
  • Suivre ses progrès par rapport aux objectifs réglementaires

En retour, OPERAT délivre une attestation annuelle de performance énergétique et attribue une étiquette “Éco Énergie Tertiaire” (EET).
Celle-ci permet aux propriétaires et exploitants de prouver leur engagement et d’objectiver leurs efforts auprès des investisseurs, locataires ou parties prenantes RSE.

Les étapes pratiques à suivre

La mise en conformité peut sembler complexe, mais elle se résume en un processus clair et séquencé :

  1. Identifier les bâtiments concernés et collecter leurs données (surface de plancher, usage, consommations).
  2. Choisir une année de référence pertinente (entre 2010 et 2019, en tenant compte des années représentatives).
  3. Réaliser un audit énergétique ou un diagnostic de performance pour établir une base solide.
  4. Définir un plan d’action avec des mesures hiérarchisées (travaux prioritaires, actions rapides à faible coût, investissements à moyen/long terme).
  5. Saisir la déclaration annuelle des données de consommations sur la plateforme numérique OPERAT
  6. Suivre et ajuster la trajectoire : adapter en cas de changements d’usage, de contraintes techniques ou de nouvelles opportunités d’amélioration.

Les leviers d’action pour réduire ses consommations

La réussite repose sur la combinaison de mesures techniques et comportementales :

  • Optimisation technique :
    • Isolation thermique et rénovation de l’enveloppe,
    • Modernisation des systèmes CVC (chauffage, ventilation, climatisation),
    • Éclairage LED avec capteurs de présence et pilotage intelligent.
  • Pilotage intelligent :
    • Gestion technique centralisée (GTC)
    • Capteurs IoT pour un suivi des consommations en temps réel,
    • Outils d’IA prédictive pour anticiper les consommations.
  • Implication des usagers :
    • Sensibilisation aux bons usages (extinction des équipements, régulation des températures),
    • Mise en place de chartes internes,
    • Gamification ou challenges internes pour encourager les économies.
  • Transition énergétique :
    • Utilisation de sources renouvelables, incluant le solaire, la géothermie et les réseaux de chaleur.
    • Autoconsommation collective dans certains cas

Les impacts et enjeux stratégiques pour les organisations

Les possibilités de modulation des objectifs (contraintes techniques, coût disproportionné, changement d’usage)

 

Au-delà des aspects techniques, le décret tertiaire entraîne des implications majeures pour les organisations, qu’il s’agisse de risques en cas de non-conformité ou d’opportunités à saisir.

Conséquences en cas de non-conformité

Le décret tertiaire n’est pas une simple recommandation : c’est une obligation réglementaire assortie de sanctions.

En cas de manquement, l’administration peut adresser une mise en demeure à l’entreprise concernée, suivie, à défaut de régularisation, de sanctions financières et de la publication du nom de l’entité dans le cadre du mécanisme connu sous le nom de “Name & Shame”.

  • Sanctions financières : amendes administratives (jusqu’à 7 500 € par site et par an) en cas de manquement aux obligations de déclaration sur OPERAT.
  • Mécanisme de “Name & Shame”, consistant à publier la liste des entités non conformes, accessible au grand public. Pour une entreprise, cela peut impacter son image, sa crédibilité RSE et sa relation avec les investisseurs.
  • Surveillance accrue : les contrôles sont facilités par la centralisation des données sur OPERAT.

👉 Autrement dit : la non-conformité peut coûter cher en argent, en réputation et en compétitivité.

Opportunités économiques et écologiques

Plutôt que de voir le décret uniquement comme une contrainte, il peut être abordé comme un levier stratégique.

  • Réduction des coûts opérationnels : une baisse de 40 % de la consommation énergétique d’ici 2030 peut représenter plusieurs centaines de milliers d’euros économisés sur un portefeuille immobilier.
  • Valorisation du patrimoine immobilier : les bâtiments sobres énergétiquement sont plus attractifs à la location, mieux valorisés à la revente et plus résistants aux évolutions réglementaires.
  • Avantage RSE : intégrer le décret tertiaire dans la stratégie climat permet de renforcer la crédibilité des engagements ESG, et de répondre aux attentes croissantes des investisseurs et collaborateurs.
  • Résilience face aux hausses d’énergie : la crise énergétique de 2022 a rappelé l’importance de ne pas dépendre uniquement des prix de marché.

Financements et aides disponibles

Le passage à l’action nécessite souvent des investissements, mais plusieurs dispositifs existent pour en alléger le coût :

  • Le dispositif des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) : financements apportés par les fournisseurs d’énergie pour des projets de rénovation ou d’efficacité énergétique.
  • Aides de l’ADEME : subventions pour les études, audits, et certaines solutions innovantes d’économie d’énergie
  • Aides régionales et locales : dispositifs spécifiques portés par les régions ou métropoles.
  • Prêts verts (BPI, banques partenaires) : financements avantageux pour les projets d’efficacité énergétique.

Pour maximiser les opportunités, il est recommandé de monter des dossiers multi-financements et d’intégrer la recherche d’aides dès la phase de conception du plan d’action.

 

Perspectives et avenir du décret tertiaire

Pourquoi et comment se faire accompagner ? (bureaux d’études, conseils, AMO)

L’évolution des réglementations européennes

 

Le décret tertiaire n’est pas une fin en soi : il s’inscrit dans une dynamique plus large au niveau européen et international.

  • Le paquet “Fit for 55” (UE) vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Étant à l’origine d’environ 40 % de la consommation énergétique en Europe, les bâtiments sont au cœur de ce dispositif.
  • La directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD) impose une accélération de la rénovation énergétique et tend vers la généralisation des bâtiments à zéro émission (Zero Emission Buildings) d’ici 2050.
  • La taxonomie verte européenne oriente les flux financiers vers des actifs conformes aux critères environnementaux. Les investisseurs privilégient désormais les bâtiments “verts” au détriment des actifs énergivores.

👉 Autrement dit : le décret tertiaire est un point d’étape, et les entreprises doivent anticiper un renforcement progressif des exigences.

Le rôle de la data et de l’IA dans la gestion énergétique des bâtiments

La transition énergétique passe aussi par l’innovation technologique.

  • Capteurs IoT (Internet of Things) : permettent de suivre en temps réel les consommations (chauffage, climatisation, éclairage, équipements).
  • Smart building : systèmes automatisés qui ajustent la consommation en fonction de l’occupation réelle, de la météo ou des usages.
  • IA prédictive : simulation des scénarios énergétiques et anticipation des pics de consommation pour éviter le gaspillage.
  • Digital twins (jumeaux numériques) : reproduction virtuelle des bâtiments pour tester des stratégies d’efficacité avant de les mettre en œuvre physiquement.

Ces technologies, d’abord perçues comme coûteuses, deviennent progressivement accessibles et représentent un levier puissant pour dépasser les objectifs réglementaires.

De la contrainte réglementaire à l’avantage compétitif

Les entreprises les plus visionnaires exploitent déjà le décret tertiaire comme un levier stratégique.  :

  • Nouveaux modèles économiques :
    • Bâtiments à énergie positive (BEPOS) capables de produire plus qu’ils ne consomment.
    • Contrats de performance énergétique où les économies financent les travaux.Avantage concurrentiel : les entreprises pionnières utilisent la conformité au décret comme un argument fort pour attirer investisseurs, talents et clients.
  • Innovation sociale : implication des collaborateurs dans une démarche de sobriété énergétique (gamification, challenges collectifs, reconnaissance RSE).

👉 Vision clé : demain, les organisations ne seront pas jugées uniquement sur leur conformité réglementaire, mais sur leur capacité à aller plus loin et à transformer la sobriété énergétique en levier de compétitivité durable.

Ressources pratiques pour aller plus loin

Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire – Légifrance

plateforme OPERAT – ADEME

Éco Énergie Tertiaire (EET) | Ministères Aménagement du territoire Transition écologique

L'interview BFM Business

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